top of page

L'histoire de l'épilepsie

 

Contrairement à ce qu'on pense parfois, l'épilepsie n'est pas une maladie nouvellement découverte, son histoire remonte à quelques millénaires...

A l’Antiquité :





Les premières recherches sur l’épilepsie datent de quelques millénaires, entre 4500 et 1500 avant Jésus-Christ, en Inde. Contrairement à ce que l’on pense parfois, cette maladie n’est donc pas nouvelle. A cette époque, dans les textes de la médecine indienne, elle est appelée « apasmara », ce qui signifie « perte de connaissance ». On trouve dans ces textes des références à tous les aspects de l’épilepsie, en particulier en ce qui concerne la symptomatologie, le diagnostic, les causes et les facteurs de maladie, ainsi que le traitement.





Les indiens ne sont pas les seuls à avoir constaté l’existence de cette maladie, les babyloniens en ont fait de même vers 2000 avant J-C. Le document le plus détaillé est un chapitre d’un manuel de médecine, environ quarante tablettes, et se trouve au British Museum. On y trouve une description précise d’un certain nombre des différents types de crises reconnus actuellement. Les babyloniens mettent en particulier l’accent sur le caractère surnaturel de l’épilepsie. En effet, chaque type de crise est associé au nom d’un esprit ou d’un dieu, le plus souvent malfaisant. Ainsi, les traitements étaient principalement spirituels.





Plus tard, les Grecs pensèrent aussi qu’il s’agissait d’une maladie d’ordre surnaturel, et l’appelèrent « la maladie sacrée ». On trouve notamment sa description dans le traité d’Hippocrate portant ce titre. Certains pensèrent même que les personnes épileptiques étaient influencées par les phases de la lune ou par la déesse Sélène (déesse de la lune) et utilisaient le terme « seleniazetai » pour les décrire. Seul Hippocrate pensait déjà à l’époque que la maladie était due à un dérèglement cérébral, affirmant que si le mal devenait chronique, il serait incurable chez les personnes concernées.

Dans l'Apologie, Apulée raconte qu'il était habituel, lors de l'achat d'esclaves, de provoquer artificiellement les crises afin d'identifier les personnes épileptiques. Lui-même avait pratiqué ces méthodes et on l’avait accusé de magie. En effet, quand la Pythie de Delphes racontait ses prophéties, elle était dans un état de transe qui se rapprochait des crises épileptiques découvertes. On prenait encore à l’époque une crise unique comme une transe prophétique et les deux étaient très liés dans l’esprit des populations de l’époque, ce qui donnait son caractère sacré à la maladie. On pensait également cette maladie comme étant celle du génie, car comme le génie, l’épilepsie aurait pour cause un excès de bile noire, ce qui provoquerait plus de mélancolie.

Mais les personnes épileptiques effrayaient surtout, comme le rapporte Théophraste dans Les caractères, lorsqu'on croise un épileptique, la superstition demandait de cracher dans le pli de sa tunique pour éloigner le démon responsable de la maladie et de la contagion. Les personnes épileptiques sont souvent mises à l’écart, parquées, on n’ose pas manger dans le même plat qu’elle, ni boire à la même coupe. Les comices latines étaient par exemple immédiatement dissoutes en cas de crise d’épilepsie.

Au Moyen-Âge :

Cette idée est malheureusement oubliée au Moyen-Âge, pendant lequel les conceptions surnaturelles ont été les plus  prisées. En Europe par exemple, Saint Valentin a été désigné saint patron des épileptiques et les lieux où il se serait rendu sont devenus des lieux de pèlerinage pour les malades. D’autres l’appelaient « le mal de Saint Jean », Jean-Baptiste devait ce patronat au fait que Salomé fit une « danse des sept voiles », qu’on peut comparer à une crise d’épilepsie, devant son beau-père Hérode Antipas, afin d’obtenir sa décapitation, pour que le mal cesse. Dans certaines régions,  les « danseurs de Saint Jean » étaient donc angoissés quelques jours avant le 24 juin (fête de Jean-Baptiste), car ils attendaient impatiemment cette fête, afin de danser devant les autels du saint, espérant par là leur guérison.

Ceux-ci ont suscité la crainte, la suspicion, l’incompréhension et ont été rejetés par la société. Pourtant, certains sont restés célèbres, on peut penser par exemple à Jeanne D’Arc, Charles Quint, ou encore au cardinal de Richelieu.

Ce n'est qu'au XVIe siècle que la littérature va offrir à nouveau – écrits en latin – des traités complets sur l'épilepsie avec Cardan, et surtout Gabuccini. La première publication en langue française, et qui ne soit pas une traduction des auteurs classiques, est celle de Jean Taxil en 1602 (Traité de l'Epilepsie, Maladie vulgairement appelée au pays de Provence, la gouttète aux petits enfants). D'autres suivront, sans apporter rien de bien nouveau, tant les superstitions religieuses principalement ont empêché toute progression significative dans la compréhension scientifique des maladies en général, et neuropsychiatriques en particulier. Quelques avancées sont faites dans la description des crises, qui deviennent plus précises, et dont on trouve de nouvelles formes, avec Jean Fernel ou Rolando.





Par la suite, ces maigres avancées permettent à Charles le Poix de voir le lien entre toutes ces crises et les fonctions cérébrales et à Steeglius de montrer qu’elles sont très souvent de cause organique. Le XVIIe et le XVIIIe seront les siècles des typologies dans les crises, entre les tonico-cloniques, les myocloniques, et d’autres facteurs.





Dans la modernité :





La piste du dérèglement cérébral reprend au XIXe siècle, avec les débuts de la neurologie. Le premier médicament efficace est introduit en 1857 en Europe et aux Etats-Unis, il s’agit du bromure. Cela a aussi eu un effet sur les mentalités : l’épilepsie est moins source d’exclusion. Une approche plus humanitaire des aboutissants sociaux de l’épilepsie commence à se développer, et on crée des colonies ans lesquelles les épileptiques sont soignés et exercent une profession. Elles essaiment en Suisse, au Danemark, en Angleterre, en Allemagne, en Norvège, en Hollande, par exemple.

En 1873, Hughilins Jackson, un neurologue londonien a supposé que les crises d’épilepsie étaient dues à des décharges électrochimiques brutales d’énergie dans le cerveau. Le type de crise serait quant à lui lié à l’emplacement de ces décharges dans le cerveau, et à la fonction que cet emplacement occupe.

En 1920, Hans Berger, un psychiatre allemand, a découvert l’électroencéphalographe, aussi appelé EEG, qui sera utilisé une dizaine d’année plus tard pour l’étude de cette maladie. Cet appareil a mis en évidence la présence de décharges électriques dans le cerveau, ainsi que l’existence de plusieurs types d’ondes de l’activité électrique cérébrale, et ces ondes correspondaient à différentes sortes de crises. Grâce à ces découvertes, on a pu localiser les sites de décharges épileptiques qui provoquent des crises, et donc développer la possibilité de traitements neurochirurgicaux, qui se popularisent à partir des années 50.

Pendant la première moitié du XXe siècle, les principaux médicaments utilisés pour le traitement de l'épilepsie étaient la phénobarbitone et la phénytoïne. Le premier est un barbiturique, qui agit comme dépresseur de l’activité du système nerveux central. Il est anticonvulsif mais pris comme traitement, il peut provoquer une accoutumance. Le second est une molécule qui agit comme anticonvulsivant également et qu’on peut trouver par exemple dans le Dilantin ou le Di-Hydan.

Depuis les années 60, de plus en plus de médicaments sont mis sur le marché, car on connaît beaucoup mieux l’activité électrochimique du cerveau. Désormais, dans 70 à 80% des cas nouveaux diagnostiqués chez l’adulte ou l’enfant, on peut maîtriser les crises d’épilepsie.

La neuro-imagerie est aussi pour beaucoup dans ces progrès. Elle a permis de découvrir un grand nombre de lésions cérébrales plus subtiles, à l’origine de l’épilepsie. Tout type de lésion au cerveau, qu’il soit d’origine traumatique, congénitale, infectieuse, vasculaire, tumorale, ou dégénératif, peut provoquer des crises chez certains patients.

Aujourd’hui, la question se porte de plus en plus sur la qualité de vie des personnes épileptiques, sur leur intégration en société, sur l’ostracisme dont elles peuvent être victimes. En effet, pour beaucoup cette maladie reste un tabou, que ce soit dans les pays développés ou dans les pays en développement. Ces derniers ont également une autre problématique à laquelle faire face : l’accès aux progrès techniques en matière de soins médicaux.

Sur les 50 millions d'épileptiques dans le monde, quelque 35 millions n'ont pas accès à un traitement approprié que ce soit  parce que les services sont inexistants, ou parce que l'épilepsie n'est pas considérée comme un problème médical ou comme un dérèglement cérébral que l'on peut soigner.

Il existe de plus en plus de fondations et de ligues contre l’épilepsie (certains liens francophones dans la catégorie des liens utiles), et en 1997 par exemple, la Ligue Internationale contre l’Epilepsie a lancé, en coopération avec le Bureau international pour l’Epilepsie et l’OMS, une campagne mondiale contre l’épilepsie, visant à améliorer la prévention, les possibilités de traitement, les soins et les services, la sensibilisation.

Et on ne peut clore cet article sans parler de deux autres choses.

Tout d’abord, il faut mentionner le Purple Day, inventé par une petite fille épileptique qui ne comprenait pas pourquoi on la regardait bizarrement dans sa classe ni pourquoi personne ne savait ce qu’était vraiment sa maladie.

Ensuite, il nous semble important de rappeler qu’à travers l’histoire, de nombreuses personnalités ont été épileptiques, parce que ça n’arrive pas qu’aux autres, et que toutes étaient loin de souffrir de retards mentaux ou de trisomie : Alexandre le Grand, Jules César, Paul de Tarse, Jeanne d'Arc, Louis II de Wurtemberg,Charles Quint, Le cardinal Richelieu, Molière, Charles II d'Espagne, Napoléon Ier, Charles Louis d'Autriche, Ferdinand Ier d'Autriche, Lord Byron, Pie IX, Fiodor Dostoïevski, Gustave Flaubert, Lénine, Hermann Ludwig von Helmholtz, Alfred Nobel, Heinrich Hansjakob, Rudi Dutschke, Margaux Hemingway, Ian Curtis…

bottom of page